Impact de nos usages numériques
14 novembre 2025
Aujourd'hui, malgré un impact significatif du secteur du numérique aux émissions française (4,4% des émissions de GES hors IAgen) et à la consommations de ressources abiotiques non renouvelables, la digitalisation de la société est bien souvent présentée comme un vecteur incontournable de la transition écologique.
La transition écologique sera numérique - Mythe ou réalité?
C'est cette question que nous avons essayé de trancher au travers de l'étude commandée par l'ADEME et sur laquelle nous planchons depuis plus de 2 ans maintenant. Grâce à une méthodologie d'analyse du cycle de vie conséquentielle, nous avons analysé sans concession 10 solutions numériques développées au service des transitions numériques : télétravail, transformation du modèle économique, éclairage public, DLR, gestion des intrants agricoles. Nous avons évalué les effets directs et indirects des solutions pour en déduire l'impact net du déploiement de ces solutions jusqu'a 2035.
Des conclusions mitigées
Dans la majorité des cas étudiés (analyses complètes et simplifiées), les solutions numériques génèrent des gains environnementaux nets, notamment sur le critère du changement climatique. Toutefois, ces gains restent souvent marginaux ou modérés par rapport aux enjeux de chaque secteur et ne peuvent donc pas se substituer à des efforts de décarbonation plus profonds.
Dans de nombreux cas, les gains environnementaux présentent un rendement décroissant au fur et à mesure de la décarbonation des autres secteurs économiques (électrification, isolation, changement de modèleagricole…). En effet, l’atteinte de ces objectifs réduit mécaniquement les gains environnementaux pouvant être obtenus, notamment sur les émissions de gaz à effet de serre, car il y a de moins en moins d'émissions à éviter dans une société en transition (exemple du télétravail dans lequel l’électrification des véhicules diminue les gains permis par l’évitement d’un trajet domicile travail).
Ces résultats positifs sur l’indicateur fondamental du changement climatique impliquent un transfert d’impact : l’indicateur épuisement des ressources abiotiques (marqueur de la consommation en métaux) est toujours dégradé lorsque l’on met en œuvre des solutions numériques. Au-delà du seul aspect environnemental, ceci souligne notre double dépendance à un pays comme la Chine pour les métaux stratégiques et auxEtats Unis pour les services numériques.
Des effets indirects fondamentaux mais difficiles à quantifier
L’analyse met en lumière une diversité d’effets :
· Des effets d'optimisation, tels que l’augmentation de l’injection de la production électrique d’origine éolienne sur le réseau électrique dans le cas DLR
· Des effets de substitution, tels que la substitution des déplacements domicile-travail dans le cas du télétravail
· Des effets liés à de nouveaux risques de pannes,tels que les nouveaux déplacements de techniciens pour réparer les équipements numériques de rue dans le cas de l'éclairage public
· Des effets rebonds directs, comme l'augmentation du recours au fret routier induite par la réallocation des gains d'efficacité énergétique des véhicules dans le cas du Tire as a Service (TaaS)
· Des effets rebonds indirects, comme la réallocation des gains économiques des salariés et des employeurs dans d’autres activités ayant leur propre impact dans le cas du télétravail
· Des effets d'induction tels que le déploiement de nouvelles solutions numériques induit par la disponibilité d’un réseau d’éclairage public connecté dans le cas de l’éclairage public
· Des effets de verrouillage, tels que le verrouillage de certaines pratiques agricoles dans le cas de l’optimisation de l’épandage d’intrants
· Des changements socio-économiques, tels que la modification potentielle de la productivité des entreprises dans le cas du télétravail
Recommandations
Dans le cadre du déploiement de la solution IT4GREEN, il semble fondamental de se poser la question du juste niveau de numérisation en fonction des besoins identifiés dans un secteur donné. En effet, comme le montre l'exemple de la numérisation de l'éclairage public, une augmentation de la complexité d'une solution numérique n'entraîne pas nécessairement une hausse des gains nets. Il arrive même parfois que l’inverse se produise. Il semble donc pertinent d'étudier des solutions alternatives moins complexes, telles que les solutions plus low-tech dans le cadre de solutions d’impacts nets.
Lorsque des solutions numériques sont choisies, des pratiques d’éco-conception numérique doivent être mises en place afin de minimiser les impacts directs de solutions. Par exemple, la minimisation de la quantité d’équipements déployés et leur mutualisation est une pratique dont l’intérêt a été identifié dans plusieurs cas d’usage.
Au final, cette étude montre que le numérique peut clairement être un allié pour la transition écologique, à condition de le piloter avec sobriété, d'anticiper ses effets rebond et de l'inscrire dans une stratégie de transition globale, plutôt que de le voir comme un simple levier d'optimisation.
- Le numérique est-il vraiment une solution pour la transition écologique ? - Gauthier Roussilhe - Novembre 2025 - Bonpote
- Évaluation environnementale des effets directs et indirects du numérique pour des cas d'usage - ADEME - Novembre 2025 - 5 cas d'étude: télétravail, éclairage public, intrant agricoles, ampacité DLR, Tire as a service.
