L’Analyse du Cycle de Vie est la méthode d’évaluation environnementale qui est aujourd’hui la plus aboutie. Analyse systématique de plusieurs indicateurs depuis l’extraction des ressources jusqu’à la fin de vie des produits, elle permet de cartographier les impacts environnementaux des produits et d’imaginer des alternatives techniques ou pratiques et d’éviter les transferts de pollution.
Disposer de cette vision globale est le point de départ d’une réflexion technique permettant d’atténuer les impacts des aspects les plus contributeurs à l’un ou l’autre des indicateurs. Mais cette approche a ces limites! Les sauts technologiques ne sont pas légions. Une fois, l’optimisation technique, l’amélioration de la recyclabilité et les autres bonnes pratiques générales mises en œuvre, les limites semblent atteintes.
Il est alors nécessaire de repenser entièrement la solution pour aboutir à des alternatives innovantes. Face à ce constat, il n’est pas rare de considérer l’Analyse du cycle de vie comme limitée, procédurière et non adaptée… Et oui, nous négligeons un paramètre clé : l’approche fonctionnelle.
C’est cette approche qui permettra d’intégrer à la fois l’offre et la demande dans une stratégie d’économie circulaire et de faire des ponts entre approvisionnement durable, écoconception et économie de la fonctionnalité.
Ne pas oublier le service rendu
Réaliser une analyse du cycle de vie comme initier un projet d’écoconception, c’est commencer par définir le champ de l’étude incluant l’unité fonctionnelle. Celle-ci, définit dans la norme ISO 14 040 comme la « performance quantifiée d’un système de produits destinée à être utilisée comme unité de référence dans une Analyse du cycle de vie », recèle une puissance insoupçonnée. En effet, il ne s’agit pas d’évaluer directement les impacts d’un système mais du service qu’il rend ! Il s’agit donc de faire l’analyse fonctionnelle du système à évaluer et d’identifier quel est sa fonction principale ! Il faut alors s’affranchir de sa vision de producteur et se mettre à la place de l’utilisateur.
Ainsi l’unité fonctionnelle doit permettre de mettre en avant :
- Une fonction – souvent exprimée par un verbe d’action (délivrer, transporter, …)
- Un critère technique – quantifiable si possible
- Une durée de service
Afin d’identifier si l’unité fonctionnelle choisie est pertinente, il est bon de se poser les questions suivantes :
- Quel besoin le système étudié couvre-t-il ?
- L’unité fonctionnelle permet-elle de répondre au besoin de l’utilisateur lorsqu’il s’approprie le système ?
- Cette unité fonctionnelle permet-elle la comparaison non biaisée avec des solutions différentes, plus ou moins performantes ?
- L’unité choisie est-elle compréhensible.
Evaluer l’impact environnemental d’un mètre carré de panneau solaire n’a alors que peu de sens. Cela ne permet de prendre en considération ni la fonction, ni la performance du système technique, ni de le comparer à d’autres alternatives. Dans un contexte d’évaluation environnementale d’un mode productif, il est alors plus opportun d’évaluer la production d’un kWh d’électricité.
En revanche, dans un contexte de recherche d’optimisation de l’empreinte environnementale de la production d’énergie d’un foyer, on pourra aller encore plus loin et avoir une approche plus systémique qui permettra de combiner à la fois réduction des besoins en énergies et production de l’énergie résiduelle. Dans ce cas l’unité fonctionnelle pourra être : produire l’électricité nécessaire à une famille de 4 personnes pendant 1 an.
Prendre du recul et se rattacher à l’unité fonctionnelle, permet alors de proposer des alternatives innovantes tant en terme de solutions techniques (combinaison de mode de production de l’énergie, monitoring, réduction des besoins énergétiques) que de modèle économique (achat, location de matériel, …).
Unités fonctionnelles et Unités déclarées, un savant mélange
Comme nous venons de le voir, une unité fonctionnelle se choisit suivant un objectif précis : celui de comprendre, d’éco-concevoir, de comparer, de communiquer, … Alors comment faire pour que l’unité fonctionnelle permette de répondre à plusieurs objectifs ?
Par exemple, dans le cas des équipements de génie climatique, réaliser des analyses du cycle de vie devient une nécessité. L’unité fonctionnelle permet une meilleure prise en considération de l’impact des systèmes d’équipements dans l’évaluation de l’impact du bâtiment final tel que préfiguré dans l’expérimentation E+C- (qui ouvrira la voie de la nouvelle Règlementation environnementale 2020).
Pour répondre à ce nouveau besoin, nous sommes incités à proposer des unités fonctionnelles facilement intégrables dans les outils de calculs : en m² installé, en unité de produit, … mais s’agit-il vraiment d’unité fonctionnelle ?
Dans ce contexte, Uniclima, le syndicat des professionnels du génie climatique propose de faire coexister unité fonctionnelle et unité déclarée :
- L’unité fonctionnelle (kWh, L, …) permet aux professionnels de la catégorie de produits de présenter les impacts de leur équipement sous l’angle de la performance, se différenciant ainsi par l’efficacité, le rendement, … permettant ainsi un choix éclairé de la part de l’acheteur.
- L’unité déclarée (souvent une unité de produit) permet, quant à elle, de disposer de métriques simples pour l’intégration de l’équipement dans l’ACV du bâtiment.
Ainsi les résultats de l’ACV sont exploitables dans deux contextes d’usage très différents.
Pour conclure
Remettre l’unité fonctionnelle au centre de la démarche d’analyse du cycle de vie et plus largement d’éco-conception, c’est mieux prendre en compte l’utilisateur et privilégier son expérience. Cet aspect est souvent négligé et l’unité fonctionnelle vue comme un moyen d’orienter les résultats dans le sens souhaité par le commanditaire de l’analyse du cycle de vie. Hors si on se recentre sur l’usage et sur les clés, qui font de l’unité fonctionnelle un outil puissant, alors on obtient des résultats étonnant et une base permettant d’établir des comparaisons solides.